Le premier perfusionniste et chef en Colombie-Britannique, John Basaraba, est décédé le 20 Avril 2013. Il avait 86 ans.
John a commencé à l'Hôpital général de Vancouver en 1955 et s’est retiré de la perfusion en 1984. J'avais toujours pensé que quelqu'un aurait entendu parler de sa mort, et qu’un contingent de la vieille garde voudrait marcher jusqu'à la salle funèbre pour lui rendre hommage. Hélas, ça n’a pas été le cas : il s’est éclipsé sans que personne du VGH ne s’en aperçoive, l'endroit où il avait servit toute sa vie avec dévouement.
L'héritage de John vit dans des choses simples comme le porte-tube Basaraba, encore en usage aujourd'hui. Mais son héritage est plus profond et beaucoup plus riche que cela. Ce vieux monsieur au grand cœur était un véritable pionnier. Retournons dans les années cinquante. John, un «préposé aux cylindres" (inhalo), fait ses débuts au « cœur ouvert» en faisant l'erreur de montrer un certain intérêt pour les chiens qui aboient parmi les animaux du laboratoire. Il a été saisi par l'anesthésiste Bill Dodds qui lui a dit : pousse ce levier, garde tout cela rouge et par tous les moyens surveille le tout. À l’époque tout le matériel de perfusion était fait à la main à partir du croquis fait au crayon d’une machine qu’un jeune chirurgien avait vue, il y a un certain temps, dans des endroits comme les cliniques Mayo et Cleveland. Vous étiez vraiment seul à cette époque. Si vous aviez besoin d'aide ou de conseils vous ne pouviez pas «texter» un collègue en Suède, ou utiliser un téléphone cellulaire pour appeler quelqu'un à Toronto. Vous deviez attendre une lettre, ce qui pouvait prendre jusqu'à un mois, et c'est seulement si vous saviez à qui écrire. Une saturation veineuse appropriée était de la même couleur qu’une boîte de cigarettes no 7 : la cigarette de choix de tous les garçons de pompe. Hélas, à l’époque en Comlombie-Britannique, il n’y avait pas de filles pompistes. Il n'y avait aucun détecteur de bulles ou de niveau pour vous donner un coup de main, et en fait, pas d'alarmes d’aucune sorte. Les ensembles de tubes ne jaillissaient pas d’une boîte configurés exactement pour la pompe. Non, ils étaient taillés à la main, montés avec des connecteurs métalliques, stérilisés sur place et utilisés maintes et maintes fois. Les oxygénateurs étaient faits de verre, de métal et de bouteilles d'anti -mousse.
Pour amasser des fonds pour acheter la première pompe cardiaque de l’HGV, une pompe Sigma, un jeu de bingo illégal avait été organisé, et démantelé plus tard par les flics. Les chirurgiens, qui ont pris la fuite rapidement par la porte de derrière, ont laissé John, pour ainsi dire, avec tout sur les bras... Le lendemain, les chirurgiens Trappa, Allen, et Ashmore ont payé sa caution avant que l’épouse de John n’ait été avisée. Cette expérience lui a été cachée pendant des décennies. Étant le genre de gars terre-à-terre qui ne se cassait pas la tête, la ligne d’enseignement préférée de John était : "vous n'avez pas vraiment besoin de le savoir." La plus part du temps il avait raison ; garder la rotation de la pompe, le sang rouge et pour l'amour du Christ ne pomper pas d’air !
Beaucoup de perfusionnistes de la première génération ont visité l’ HGV et John pour son expérience. Parmi eux, Peter Fortini, qui venait de s'installer à Calgary, Denis Nugent à Regina, Marcel Roy de Winnipeg et Ted Flegel qui a mis en place le programme de pédiatrie de la CB. Et d’autres, qui ont ensuite travaillé sous ses ordres comme Brian McCloskey de Foothill, Harry Mickelson de l'Hôpital de Saint-Paul, Arnold Benak et Pierre Laboisiere tous deux de Seattle. Beaucoup de représentants provenant de la côte est s’aventuraient sur la côte humide pour voir John et lui présenter leurs marchandises. Les Européens ont mieux résisté que certains Torontois pur et dur. Plusieurs fois, Jean voyait ces derniers arriver et se cachait derrière la porte de la salle d’opération. Les représentants ont finalement trouvé une façon de contourner ce problème en s’attardant un peu plus longtemps pour faire valoir leurs points.
Quand John a pris sa retraite, plus de 300 personnes, des dignitaires et même des patients étaient présents au dîner d’adieu de cette «rock star». Ce fut un réel hommage à l'homme et à ce qu'il avait accompli. Nous avons encore quelques souvenirs de John : l'ancienne pompe Sigma, les premiers dossiers de patients opérés à cœur ouvert, des oxygénateurs à disques, de vieilles photos, etc. Je pense que ces choses nous rappellent de temps en temps de regarder en arrière pour voir où nous avons été, et d'apprécier où nous allons. L'empreinte de John est pour toujours imprimée en CB., et dans le paysage «à cœur ouvert» du Canada.
John a passé ses années de retraite à voyager avec son épouse Yvette, âgée de 64 ans, qui l’a précédé dans la tombe de seulement deux mois. Il laisse dans le deuil son fils, trois filles, dix petits-enfants et trois arrière-petits-enfants.
Repose en paix John,
David Nash
Superviseur, Services de Perfusion,
Hôpital général de Vancouver